L’autonomie alimentaire se gagne pas à pas

Cela fait huit ans maintenant que nous construisons, étape par étape, notre complexe agricole de Novo Brdo, rejoint il y a un an par un autre complexe à Gracanica. Un chantier de très longue haleine mais absolument fondamental.

« Vous m’avez sauvé la vie il y a huit ans en construisant cette ferme. » Nebojsa s’arrête de parler, semble chercher ses mots, ou le courage de les prononcer. Puis il continue : « J’étais sans travail, nous n’avions plus rien, je ne savais plus comment nourrir mes enfants. Quand Svetlana m’a appris qu’ils cherchaient des ouvriers agricoles, je lui ai tout de suite dit que je voulais ce boulot ». Svetlana, c’est la directrice de la soupe populaire ; assise à côté de Nebojsa, elle hoche la tête. Elle se souvient bien de ce moment-là : « Je savais que Nebojsa était courageux et travailleur et qu’il ferait du bon travail ici. Je n’ai pas hésité une seconde… »

Il y a huit ans, en 2013, nous lancions le chantier d’une première ferme, dans les collines de Novo Brdo. La soupe populaire venait de franchir le cap des 3000 familles aidées quotidiennement ; nous lui avions envoyé l’année précédente 40 tonnes de nourriture, et ça n’était pas encore assez. C’est alors que nous avons eu l’intuition qu’il serait plus utile, plus efficace et plus viable de dépenser de l’argent non pas pour remplir des camions de denrées à envoyer au Kosovo-Métochie, mais plutôt pour permettre que cette nourriture soit produite directement sur place, au plus près des besoins, et par ceux qui en avaient le plus besoin. L’intuition s’est concrétisée fin 2013 avec l’inauguration de la première ferme alpine. Une opération réussie qui nous a convaincus de réitérer l’année suivante… puis l’année d’après, puis chaque année depuis huit ans. Aujourd’hui, la ferme compte une dizaine de bâtiments et accueille le triple d’animaux (chèvres, vaches, moutons, cochons, volailles…). Elle fait aussi travailler douze personnes à temps plein directement sur la ferme — dont Nebojsa — et par ricochets de nombreuses autres.

« Cette ferme m’a rendu ma dignité d’homme. Je peux subvenir moi-même aux besoins de ma famille grâce à mon travail, et en plus je participe à nourrir des milliers de personnes qui sont dans la situation où j’étais à l’époque », continue Nebojsa en se redressant. Un sentiment que partage Jelena, qui travaille dans la fromagerie qui transforme le lait produit par les animaux dont Nebojsa s’occupe : « L’argent que je gagne ici me permet de m’occuper de mes parents, qui ont tout perdu pendant la guerre et n’ont jamais pu retrouver de travail. Et c’est vrai pour tous ceux qui travaillent grâce à ces fermes : tous font vivre plusieurs personnes grâce à leur travail ».

Svetlana précise : « Plusieurs dizaines de personnes travaillent grâce à la ferme : les salariés, d’abord, bien sûr, mais aussi les paysans des alentours qui nous fournissent la nourriture des bêtes, les artisans qui font les travaux d’agrandissement, les gens qui transforment la matière première que nous fournissons, etc. De nombreuses personnes qui auparavant venaient à la soupe populaire ont retrouvé peu à peu la capacité de ne plus avoir besoin de nous pour survivre. C’est une immense fierté. »

Sur le chemin de l’autonomie

Cette volonté de redonner aux habitants des enclaves les moyens de redevenir acteurs de leur propre autonomie était au cœur de notre projet. Nous sommes convaincus qu’on n’aide pas quelqu’un en le rendant dépendant de notre aide et avons donc décidé de ne pas enfermer nos amis dans un rôle de victimes qu’ils ne veulent de toute façon pas endosser : la seule solution acceptable est donc de travailler avec eux à leur donner les moyens de passer à l’action et de reprendre en main leur destin. Aujourd’hui, cet objectif est atteint et nous marchons sur le chemin de l’autonomie alimentaire des enclaves main dans la main avec leurs habitants.

Et ce n’est pas fini : à Novo Brdo, le complexe continue de s’agrandir chaque année (plus d’infos en cliquant ici), et un nouveau complexe a vu le jour récemment à Gracanica, où de nouveaux travaux sont déjà en cours en ce moment même (plus d’infos en cliquant ici). Et nous continuons également de distribuer des serres agricoles aux familles des enclaves (plus d’infos en cliquant ici), qui y gagnent elles aussi en autonomie.

Le chantier vers l’autonomie alimentaire complète est évidemment énorme mais la mécanique est maintenant bien enclenchée. Nous avançons pas à pas, avec la certitude d’une part de faire ce qui est bon, d’autre part que nos donateurs continueront de nous en donner les moyens aussi longtemps qu’il le faudra.

Svetlana conclut : « Votre soutien signifie aussi et surtout que beaucoup de gens en France croient encore en nous. Et ça, ça nous donne énormément de courage et d’énergie. N’oubliez surtout pas de le dire à vos soutiens en France ! » Nous avons promis, et c’est maintenant chose faite !

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