Comme chaque année depuis maintenant douze ans, Solidarité Kosovo offre des vacances à quarante-deux enfants des enclaves serbes du Kosovo. Choisis sur des critères de pauvreté et de mérite scolaire, c’est dans la joie qu’ils découvrent la mer pour la première fois au Monténégro. Pourtant, de mauvaises nouvelles sont venues troubler ces vacances.
Le car serpente sur les routes sinueuses entre le Kosovo et le Monténégro. À son bord, quarante-deux enfants et leurs accompagnateurs se sont levés très tôt le matin pour entreprendre ce long voyage. Pourquoi le Monténégro ? Pour ses paysages grandioses, pour sa langue, similaire à celle des voyageurs, pour son patrimoine culturel, mais aussi parce que les Serbes n’ont pas besoin de passeport pour s’y rendre.
Parce que ces voyageurs ne sont pas n’importe qui. Ce sont des enfants du Kosovo et de Métochie qui vont passer leurs premières vacances à l’étranger, leur premier séjour au bord de la mer. Dans le bus, les encadrants ne regardent plus l’extérieur par la fenêtre, mais la réaction des enfants qui la découvrent pour la première fois. Entre les montagnes les reflets font briller l’Adriatique sous le soleil.
Découvrir la mer
Bouche bée, les visages collés contre les vitres, les jeunes chrétiens voient la grande étendue d’eau salée se rapprocher jusqu’à ce qu’il soit temps de descendre du bus. Arrivés à l’hôtel, la fébrilité gagne le groupe. Les accompagnateurs rompus à l’exercice organisent les prochaines étapes. Il faut répartir tout ce petit monde dans les chambres et distribuer à chacun un sac contenant des affaires de plage, quelques vêtements, de la crème solaire, une casquette…
Les enfants se dépêchent de prendre possession de leurs chambres, de ranger leurs affaires et d’enfiler leur maillot de bain. Puis, à la file indienne, ils se dirigent à pas décidés vers le bord de mer. Ceux qui savent nager n’attendent pas et se jettent à l’eau. Pour les autres, première leçon de natation ! Ils se tiennent du bout des bras à des flotteurs reliés par une corde pour apprendre à flotter, puis à battre des jambes, puis à lâcher pour avancer. Ils ne feront pas la course, mais ils peuvent déjà profiter des joies de la baignade.
Le séjour commence sous les meilleurs auspices et rien ne saurait ternir cette semaine de vacances tant attendue et tellement méritée. Pourtant, des appels inquiétants auront raison de cette tranquillité.
Des actes de malveillance
Les parents des participants à la classe de mer ont reçu des coups de téléphone sinistres et menaçants. Des inconnus les ont appelés pour leur dire qu’ils savaient où se trouvaient leurs enfants et qu’ils pouvaient craindre le pire.
Une fois prévenus, les organisateurs ont porté l’affaire devant la police monténégrine qui a ouvert une enquête, qui est venue à l’hôtel s’assurer que les jeunes n’étaient pas en danger et assurer la surveillance du reste du séjour.
Rassuré, le groupe a pu reprendre le fil de ses activités sous la vigilance accrue des volontaires de Solidarité Kosovo.
C’est dans ces conditions que la création d’équipes pour le tournoi sportif prend un autre sens. Composés d’enfants de tous les âges, les aînés veillent sur les plus jeunes et gardent en permanence un œil sur eux. C’est une sécurité supplémentaire qui a permis le bon déroulement des épreuves.
Des olympiades effrénées !
Il est hors de question de se laisser abattre par les mauvaises nouvelles. Chaque équipe, soudée et déterminée, a redoublé d’efforts pour remporter la course de relais, le parcours d’obstacles, le sprint et tous les autres défis du tournoi.
Ces jeux sont l’occasion de mieux connaître ses camarades venant d’autres enclaves du Kosovo. Il ne s’agit pas seulement de savoir qui court vite, qui est fort, qui lance loin, mais surtout de créer dans l’effort de la compétition des liens de camaraderie et d’amitié qui dureront une fois rentrés chez eux.
Car c’est une des raisons d’être de la classe de mer : offrir aux jeunes un cadre pour se rencontrer, échanger et agrandir un peu leur horizon.
Cela passe également par des excursions dans toute la baie à la découverte de son histoire et de son patrimoine culturel et géographique.
Culture et histoire
Malheureusement, la traditionnelle visite du sous-marin yougoslave n’est plus possible car le musée a fermé ses portes. Qu’à cela ne tienne, les organisateurs ont plus d’un tour dans leur sac et ils ont réservé une jolie surprise aux enfants.
Dans le centre-ville de Kotor et ses ruelles pavées où l’histoire résonne depuis au moins la présence des Romains, entre les palais centenaires et les églises millénaires, se trouve le départ du téléphérique.
C’est avec beaucoup d’enthousiasme que les petits Serbes ont grimpé tour à tour à bord des nacelles pour entreprendre l’ascension du mont Lovcen. Au bout d’une dizaine de minutes, ils arrivent au sommet. La vue imprenable sur la baie de Kotor offre une perspective nouvelle à ceux qui ne la connaissaient que depuis la vallée.
Des souvenirs inoubliables
Personne ne veut repartir sans prendre une dernière photo alors que le soleil commence à disparaître derrière les montagnes et que sa lumière orangée colore la mer en contrebas.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et déjà arrive le temps de la dernière soirée. Autour d’un repas traditionnel, on se rappelle de meilleurs moments du séjour, des exploits sportifs des uns et des prestations théâtrales des autres ; on échange les numéros de téléphone pour rester en contact une fois de retour au Kosovo ; on souhaite que la soirée ne se termine jamais et que ce moment de paix, malgré les menaces téléphoniques et le sentiment d’insécurité qui en a découlé, se poursuive encore quelques heures avant d’entreprendre le chemin du retour.
Si Solidarité Kosovo a emmené six cents enfants au bord de la mer depuis ces douze dernières années, c’est grâce au soutien indéfectible de ses donateurs qui, été après été, offrent le séjour à des jeunes méritants et courageux.
Cette bouffée d’air frais dans leur quotidien souvent difficile est une grande joie qui, même si elle est éphémère, donne un souffle nouveau à l’année suivante, sublimée par des amis précieux et des souvenirs inoubliables.
Merci aux donateurs de Solidarité Kosovo qui garantissent le succès de cette opération historique de l’association. Les sourires de tous les enfants leur sont dédiés. Hvala puno, merci beaucoup !