Dès le départ, nous avons compris que ce serait un convoi particulier. « Nous », c’est les volontaires qu’Arnaud a contactés il y a quelques semaines pour nous proposer de participer à ce 15e convoi de Noël de Solidarité Kosovo. Son mail rappelait les événements récents : son arrestation à la frontière début septembre et l’interdiction de territoire qui lui a été signifiée à ce moment-là, le tout dans un contexte de tension grandissante entre Pristina et Belgrade. En conséquence, il ne faisait appel qu’à des volontaires expérimentés : en son absence, il ne pouvait prendre le risque d’envoyer des gens qui ne connaissaient pas le terrain et le contexte.
Les aléas de la vie étant ce qu’ils sont, c’est donc une équipe réduite qui est partie en direction du Kosovo le lendemain de Noël. Réduite mais plus motivée que jamais. Les tensions ? Une bonne raison de plus de venir visiter nos amis des enclaves. Le risque – minime – d’être à notre tour refoulés à la frontière ou de ne pouvoir passer qu’après un interrogatoire serré ? Courrons-le ! Et nous compenserons l’absence d’Arnaud autant que nous le pourrons, en souriant encore plus, en serrant encore plus de main, en acceptant encore plus d’accolades.
Malgré tout, le passage de la frontière restera un moment marquant pour chacun de nous. Voir Arnaud repartir seul vers Belgrade, après qu’ils nous a confiés au Père Serdjan et son assistant Milovan, venus nous chercher côté Serbie centrale, ne s’est pas fait sans un petit pincement au cœur. Et il ne fait aucun doute que de son côté aussi, faire demi-tour a été un déchirement.
Nos échanges – dans un anglais hésitant, Arnaud n’étant pas là pour traduire, et les volontaires serbophones ayant tous été retenus chez eux – avec nos amis Serbes, nous remontèrent rapidement le moral : paradoxe que nous avons souvent constaté ici, de voir ceux que nous venons aider nous aider à leur tour à passer les moments difficiles.
Après une bonne nuit de sommeil, nous étions de bon matin à pied d’oeuvre à l’entrepôt de Gracanica, pour charger la camionnette des cartons de jouets et de matériel scolaire. Puis ce fut la ronde des distributions, soutenus par quelques amis de l’association appelés à la rescousse : ici une école, les sourires des enfants, la joie des professeurs, la fierté de des directeurs ; là une ferme, où nous laissions une vache accompagnée d’un veau ou non, ou quelques chèvres, le plus souvent pour compenser des vols récents, ces vols qui plongent des familles dans une misère encore plus grande.
Et ainsi jusqu’au soir, où, fatigués mais heureux, nous pouvons profiter d’un bon repas et d’une nuit de repos bien méritée… avant de recommencer demain !
Encore une fois, nous remercions chaleureusement nos donateurs, sans qui nous ne pourrions pas être, pour la quinzième année consécutive, aux côtés de nos amis des enclaves. Soyez certains que nous n’oublions jamais que ces mercis que nous recevons si nombreux chaque jour vous sont d’abord destinés !