Dans le cadre de leurs visites hebdomadaires aux familles les plus défavorisées des enclaves, notre ami Milovan et nos volontaires du bureau humanitaire se sont rendus à Babljak, pour une visite qui les a particulièrement marqués.
La route menant de Lipljan à Urosevac, au sud de Pristina, ressemble en tous points à toutes les grandes routes du Kosovo. Sur les bords du long ruban de goudron plus ou moins usé, des bâtiments sortent de terre de façon totalement anarchique ; la moitié semblent être encore en chantier, sans qu’on sache s’ils sont apparus la veille ou s’ils sont dans cet état depuis plusieurs années ; sans qu’on sache non plus s’ils seront un jour terminés, ou s’ils resteront dans cet état. Ceux qui sont achevés sont soit des hôtels, vides la plupart du temps, soit des stations-service, soit des magasins, généralement de bricolage. Sans oublier les mosquées, rarement plus pleines que les bâtiments qui les entourent. Toutes les enseignes sont bien entendu en albanais : les Serbes, eux, vivent à l’écart des grandes routes. Pour aller les voir, il faut généralement quitter la grande route pour s’engager sur une petite route encore plus défoncée, voire sur un chemin de terre.
Le village de Babljak est desservi par une route. En plutôt bon état. Il faut dire que le village de Babljak n’est plus un village serbe. Aujourd’hui, plus de 99 % de la population du village est albanaise. Avant la guerre, ils étaient 350 chrétiens à vivre ici. Dès le déclenchement de la guerre, ils ont tous été chassés, en quelques jours. Et leurs maisons ont presque toutes été incendiées, pour s’assurer qu’ils n’essaient pas de revenir.
« C’est toujours une visite difficile »
Aujourd’hui encore, on peut voir les ruines de ces maisons un peu partout dans le village. Quatre murs, un escalier montant vers rien, c’est tout ce qui reste de ces maisons qui ont jadis accueilli des rires, des chants, des disputes, des réconciliations, des repas de fête…
Milovan et nos volontaires sont donc allés visiter les sept Serbes qui vivent encore à Babljak : trois couples âgés et un vieil homme seul. Milovan raconte : « Depuis que je connais ce village, j’y retourne toujours avec un mélange de joie et de tristesse. De joie, parce que c’est un joli village : la plaine qui l’entoure est belle, on aperçoit vers l’Est quelques montagnes. De tristesse parce que je pense à ce que ce village était, et qu’il n’est plus. Je pense à ce que vivent ces personnes âgées, qui ont décidé de revenir mourir dans le fantôme de ce village où ils ont vécu toute leur vie. C’est toujours une visite difficile pour nous, et nous avons toujours du mal à repartir, à laisser là ces gens, seuls et loin de tout. »