Le samedi 3 décembre 2011 avait lieu le lancement officiel de Solidarité Kosovo Espagne. « Solidaridad Kosovo », sous l’impulsion de Nicolas Mirkovic, devenait ainsi la première antenne européenne de l’association humanitaire française, Solidarité Kosovo, créée en 2004. L’association espagnole n’aura pas mis longtemps à mettre son désir d’aider les populations chrétiennes du Kosovo en action puisque le premier convoi humanitaire de « Solidaridad Kosovo » vient d’avoir lieu au mois d’avril 2012 (soit cinq mois seulement après sa création). Le savoir-faire ainsi que l’aide technique fournie par l’association mère française a permis de gagner un temps précieux dans l’organisation de ce premier convoi.
Le 31 mars dernier, à 7 h du matin, l’équipe de volontaires de Solidarité Kosovo Espagne s’était donnée rendez-vous à Alcala de Henares, au nord de Madrid. Borja, Jorge, Miguel, Hector et la présidente de l’association, Lourdes Simon étaient fin prêts pour s’élancer dans une aventure de huit jours et de plus de 6 500 km qui allait les conduire jusqu’au Kosovo. Quel est le but de cette jeune équipe de bénévoles ? Venir au secours de la minorité serbe de cette région, victime comme nous allons le constater, d’une constante violation de ses droits fondamentaux dans l’indifférence totale des grandes organisations internationales.
Après une courte pause, mise à profit pour bien répartir nos dix mètres cubes de chargement entre nos deux véhicules et pour boire quelques cafés bien serrés, nous avons pris la route vers le lointain Kosovo. Nous emportons des meubles, des vêtements, des produits alimentaires, des jouets et du matériel de sport réparti dans un véhicule utilitaire et une voiture logistique.
Après dix heures de route, nous arrivons à Nîmes où notre convoi se divise. Le camion prend la direction du nord, vers Lyon, où nous récupérons Arnaud Gouillon. Arnaud est le fondateur de Solidarité-Kosovo et il a à son actif plus de 18 convois humanitaires au Kosovo ! Non seulement il connaît le Kosovo comme sa poche, mais il parle parfaitement serbo-croate. Arnaud a la lourde tâche de mener le convoi humanitaire espagnol à bon port puis d’organiser les distributions dans les différentes enclaves serbes du Kosovo. Son expérience a été l’un des grands atouts pour la réussite de ce voyage.
En s’arrêtant tout juste le temps nécessaire pour refaire le plein et se restaurer, nous traversons six pays et au soir du troisième jour nous parvenons aux limites de la région du Kosovo. Nous avons dû patienter trois longues heures au « poste frontière » pour permettre la fouille des véhicules, remplir d’interminables formulaires, les faire tamponner par un officier des douanes et payer une assurance véhicule obligatoire à un prix exorbitant (200€ pour 15 jours pour un véhicule utilitaire!).
Au cours de cette longue attente, nous avons eu l’opportunité d’examiner en détail le système douanier mis en place par les autorités albanaises de Pristina. En étudiant simplement la liste des tarifs d’assurances affichée au guichet, nous avons constaté la première discrimination dont sont victimes les Serbes : les véhicules immatriculés en Serbie sont obligés de payer le double du prix dont nous avons dû nous acquitter pour entrer au Kosovo. Avec un salaire local qui dépasse rarement les 350€ on se demande qui peut être en mesure de payer cela, l’objectif étant visiblement de limiter la venue de Serbes au Kosovo.
A la nuit tombée, une fois les formalités achevées, nous avons franchi la frontière pour nous enfoncer au Kosovo où nous allons séjourner trois jours. Durant le parcours, nous contemplons attristés des paysages désolés, une très grande pauvreté, des maisons en ruines, des routes en très mauvais état, des tonnes d’ordures dans les champs et des rivières gravement polluées.
A notre arrivée, nous avons été reçus avec beaucoup d’amitié et d’affection par notre ami serbe, le diacre Bojan, permanent du bureau humanitaire financé par « Solidarité Kosovo » France, lequel nous a invités à partager un dîner dans la plus pure tradition serbe. Viandes grillées et autres mets typiques ont satisfait nos ventres affamés par trois jours de grignotage sur les routes d’Europe.
Le lendemain matin, nous avons repris notre route de bonne heure, en rendant une première visite matinale à une vieille grand-mère malade dont la maison se situe près de la ville de Laplje Selo. La précarité de sa situation nous a beaucoup émus. Cette grand-mère vit seule dans une maison délabrée qu’elle ne parvient plus à entretenir, victime du poids des années. La pension symbolique qu’elle reçoit (environ 60€) ne permet pas de vivre, même au Kosovo. Sans l’aide quotidienne que lui fournit le diacre Bojan grâce au financement de « Solidarité Kosovo », cette grand-mère, comme tant d’autres familles, ne pourrait tout simplement survivre. Nous avons effectué des réparations d’urgence dans son domicile afin de faciliter sa vie quotidienne et nous lui avons laissé des provisions de nourriture et des produits de premières nécessités afin de l’aider à subvenir à ses besoins. Ses larmes en guise de remerciement ont provoqué chez chacun d’entre nous une émotion forte et palpable…
Après cette séparation émouvante, nous avons pris la direction de Staro Gracko pour distribuer des jouets, des confiseries et du matériel sportif aux enfants de l’école élémentaire. Comment ne pas ressentir un pincement au cœur en nous rendant sur le lieu où en 1999 des extrémistes albanais ont massacré des habitants de la ville ? Nous avons lu les noms des victimes sur une plaque commémorative qui rappelle la date de naissance de chacune d’entre elles. C’est ainsi que nous avons appris que la plus jeune avait à peine quatre ans.
Poursuivant notre route, nous avons repris la distribution dans différentes écoles des enclaves de Gracanica et de Kosovska Kamenica. Notre venue a suscité l’intérêt de la télévision locale. Ici, les talents linguistiques d’Arnaud Gouillon ont à nouveau fait merveille car il a répondu en direct aux questions des journalistes. La venue de jeunes Espagnols au Kosovo est un signe d’espoir pour une population qui se sent abandonnée de tous et qui est aux prises avec une situation dramatique.
Dans l’après-midi, le diacre Bojan nous a conviés à une promenade dans la ville de Prizren. Cette ville située à l’extrême sud du Kosovo était la capitale de l’empire serbe à l’époque médiévale. Cette ville n’a malheureusement pas été épargnée par les tragédies de 1999 et 2004. Ici nous avons pu observer les conséquences de la guerre et des pogromes antichrétiens. Au cours de ces terribles événements, des extrémistes musulmans ont profané des monastères, vandalisé des monuments et des œuvres d’art et détruit des milliers de maisons. Cette visite de la ville nous a permis de prendre mieux conscience des souffrances du peuple serbe. Voici douze ans, la ville comptait 30 000 chrétiens, aujourd’hui ils sont à peine vingt cinq. Nous pourrions croire que la situation s’est apaisée. Il n’en est rien. Les lieux de culte chrétiens sont protégés par des policiers et entourés de réseaux de fil de fer barbelés. Ces précautions ne sont pas exagérées. La nuit suivant notre départ, la cathédrale de la vierge de Ljeviska, inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, a fait l’objet d’un tir à l’arme à feu.
Le lendemain matin, nous avons repris la distribution d’aide humanitaire dans différents villages situés à proximité de Kosovska Kamenica, dans l’Est du Kosovo, où la triste situation des enfants nous a brisé le cœur. Ces gamins fréquentent des écoles sans chauffage et au mobilier scolaire et sportif dans un état déplorable. Nous avons laissé dans chaque école du matériel scolaire ainsi que des ordinateurs. Chaque enfant a également eu droit à un cadeau qui nous avait été donné par des enfants espagnols d’une école primaire de Madrid. La solidarité n’attend pas le nombre des années.
En fin de matinée, nous sommes arrivés au club de foot de la commune de Silovo. Quelques semaines avant notre venue, Ivana Gajic et Arnaud Gouillon s’étaient rendus dans cette enclave dans le cadre du développement des projets de Solidarité-Kosovo. Ils avaient eu un entretien avec le Président du club de foot qui leur avait fait part des difficultés croissantes rencontrées ainsi que des besoins matériels indispensables pour la bonne pratique de ce sport. L’équipe française qui était sur place au Kosovo nous avait alors transmis immédiatement la liste de matériel que nous avons pu récupérer en Espagne et emmener avec nous lors de ce convoi, trois semaines à peine, après la rencontre avec le responsable sportif. Nous avons livré ce précieux matériel directement aux jeunes sportifs de l’équipe de Silovo. A nouveau, ce geste de solidarité a attiré la télévision locale qui a enregistré un entretien en anglais avec Borja Heras.
Dans l’après-midi, nous avions rendez-vous au monastère de Draganac où nous avons remis le reste du mobilier (des lits, des armoires etc.) destiné aux familles serbes environnantes. Les moines nous ont accueillis avec chaleur et gentillesse, nous offrant des produits monastiques artisanaux et répondant à nos questions sur leur situation. Arnaud a été surpris de voir que son ami Ilarion, moine francophone du monastère, parle également parfaitement anglais. La haute culture de ces hommes saints n’a d’égal que l’attachement à leur foi et à leurs terres. Ils nous ont détaillé avec calme et dignité les vexations quotidiennes dont ils font l’objet, le manque de liberté et ce climat persistant de tension qui rend chaque jour incertain.
En fin de journée, nous avions l’intention de visiter le monastère de Visoki Decani en Métochie (Ouest du Kosovo), mais cela fut rendu impossible en raison de la tombée de la nuit et des menaces d’extrémistes, qui avaient signalé leur présence la veille par des graffitis hostiles et insultants à l’égard de la petite communauté monastique.
Au matin de notre dernière journée au Kosovo, nous nous sommes rendus au monastère de Gracanica, trésor serbe du XIVème siècle inscrit lui aussi au patrimoine mondial de l’Humanité. Ce lieu important de l’histoire serbe avait fait l’objet d’importantes destructions durant l’occupation turque. L’église garde néanmoins sa splendeur d’antan avec ses fresques sublimes et ses voûtes majestueuses. Sur l’un des piliers centraux de l’église, nous découvrons une plaque commémorative « A la France », nous rappelant combien les liens entre la France et la Serbie sont étroits. Nous espérons que notre contribution au projet humanitaire qui a débuté en France voici huit ans, rapprochera également d’avantage le peuple espagnol du peuple serbe.
En début d’après-midi, nous commencions notre voyage de retour en prenant la direction de Belgrade où nous pouvions célébrer le succès de notre mission et reprendre des forces avant les trente heures de route qui nous séparaient de Madrid.
De ce premier voyage de Solidaridad-Kosovo Espagne, nous rentrons au pays avec le sentiment du devoir accompli et enrichis par les rencontres que nous avons faites. La situation humanitaire au Kosovo est cependant très critique pour les populations non-albanaises qui y vivent. Notre désir de faire changer les choses couplé aux souvenirs que nous ramenons avec nous, nous encouragent à poursuivre nos efforts en faveur de la liberté et des droits des minorités chrétiennes du Kosovo.