Compte rendu de la mission de Noël 2007

VOYAGE DANS LES ENCLAVES SERBES

26 décembre 2007, on est le lendemain de Noël et cela fait deux semaines que la mission de « conciliation » de l’ONU au Kosovo et en Métochie s’est soldée par un échec. Serbes et Albanais du Kosovo et de la Métochie ne sont pas tombés sur un accord, la situation sur place est de nouveau très tendue car les Albanais menacent de déclarer une indépendance unilatérale d’un moment à l’autre au détriment du droit international. Malgré la situation, les bénévoles de Solidarité Kosovo partent apporter leur soutien économique et moral à leurs amis Serbes du Kosovo et de la Métochie. Voici le compte-rendu de cette mission.

Après un voyage de 32 heures et plus de 1500 kilomètres de routes européennes enneigées, nos deux camions arrivent à bon port en Serbie.

Le lendemain de notre arrivée nous organisons avec nos amis sur place la mission de distribution uniquement réservée, cette année, aux Serbes vivant dans les enclaves. La situation des enclaves est dramatique. Sur leur propre terre ces Serbes résistent jour et nuit. Malgré les attaques incessantes des terroristes albanais et l’ignorance affichée à leur égard par les instances internationales ces Serbes font preuve d’un très grand courage et d’une foi qui surpassent de loin l‘imaginable.

Nous commençons tout d’abord par l’enclave de Banja. 140 personnes vivent ici, le village n’a pas été touché par le pogrom anti-serbe de 2004 mais régulièrement les Albanais spolient cette petite communauté serbe en leur volant leur matériel agricole et leur bétail sous les yeux des militaires de la KFOR. 40 enfants vivent dans ce village ce qui est quand même un signe encourageant et c’est dans une joie non dissimulée qu’ils nous accueillent et reçoivent leurs cadeaux : peluches, voitures, vêtements chauds. Comme l’année dernière l’ambiance est festive et chaleureuse. Nous terminerons notre distribution dans la maison d’un des villageois chez qui nous passons chaque année pour un verre de l’amitié et un bon café chaud.

Nous reprenons ensuite nos véhicules sur les routes enneigées et verglacées de la Métochie pour rejoindre l’enclave d’Osojane. La route est périlleuse car nous devons traverser de nombreux villages albanais et parce que les routes qui mènent vers les enclaves sont dans un état catastrophique. Nous frôlons la sortie de route à de nombreuses reprises.

Nous étions déjà passés à Osojane l’année dernière et nous y retrouverons avec une grande joie le directeur de l’école qui nous avait demandé l’an passé du matériel scolaire pour son établissement. Chose promise chose due nous lui laissons pour plus de 1500€ de cahiers, crayons de couleur, matériel de peinture et stylos. Ce matériel paraît banal pour nous, Français, mais vaut quasiment de « l’or » dans cette enclave où les véhicules militaires passent plus souvent que la croix rouge.

Nous en profitons aussi pour donner de nombreux jouets et vêtements chauds particulièrement appréciés à cette époque de l’année où la température en journée flirte avec les -5° dans ces enclaves où l’électricité, provenant des parties albanaises, est souvent coupée…

Après de grandes accolades et notre promesse de revenir bientôt avec encore plus de matériel, nous saluons cordialement nos amis Serbes et nous nous orientons vers une des plus grosses enclaves serbes de l’ouest de la Métochie à Gorazdevac à côté de Pec. Pec est une ville plus que symbolique au Kosovo. En effet cette ville est le siège du patriarcat de l’église orthodoxe serbe depuis 1233. Jadis une grande et belle ville serbe, cette ville est aujourd’hui occupée par plus de 150 000 Albanais et plus une seule famille serbe. Les serbes sont, eux, enfermés dans un réel ghetto, l’enclave de Gorazdevac. Ils sont 3000 et nous jurent qu’ils ne quitteront jamais  la Métochie. C’est ici qu’en 2003 de jeunes enfants Serbes qui se baignaient tranquillement dans une rivière ont été fusillés par des terroristes albanais. Bilan : 2 morts et 4 blessés.

Malgré la coupure d’électricité les responsables de l’enclave réussissent tant bien que mal à nous éclairer grâce au générateur de l’école. Nous distribuons ici beaucoup de jouets et aussi du matériel de sport afin d’occuper les adolescents serbes et de les empêcher de sombrer dans l’oisiveté ou le désespoir.

De nouveau l’accueil est très fraternel et nous nous ne pouvons que regretter de ne pas avoir plus à donner tant les besoins ici semblent immenses.

La nuit est bien avancée et nous avons encore un rendez-vous. Les Serbes nous mettent en garde car la route est hostile. En effet la route que nous devons emprunter pour rentrer est aux mains des terroristes albanais et notre sécurité ne sera pas assurée par la KFOR. Un mélange de peur et d’excitation nous étreint mais nous prenons notre courage à deux bras et nous rentrons vers le nord. La route est impressionnante. Autant les paysages enneigés avaient, à la lumière de jour, un petit quelque chose de féerique, autant, une fois la nuit tombée, les virages de ces chemins et routes et l’angoisse d’une rencontre malheureuse avaient une allure terrifiante et noire. Nous ne croisons quasiment aucune voiture pendant plus de 3 heures alors que nous en croisions beaucoup  quelques heures auparavant. Cette route est considérée par l’ONU comme la plus dangereuse d’Europe et la KFOR a interdiction de rouler dessus, sauf urgence, après 18h.

Dieu merci, nos véhicules traversent cette zone sans entraves et nous pouvons rejoindre la France  avec la satisfaction d’avoir accompli notre mission tout en gardant en bouche un arrière goût d’amertume car il y a encore tant à faire pour aider les Serbes à rester sur leur terre.

Nous remercions tous les particuliers, écoles, paroisses et entreprises qui nous ont aidé dans cette mission et nous demandons à chacun de redoubler de générosité en ces temps plus que critiques où les Serbes ont besoin du soutien de leur « peuple frère » français.


Stéphane Gailleton