Dans son édition du 14 juin, LE FIGARO MAGAZINE publie un large dossier sur le Kosovo. À cette occasion, Arnaud Gouillon, Président de Solidarité Kosovo a accordé un entretien exclusif à la rédaction que nous vous invitons à découvrir ci-après.
Rédigé sous la plume de Jean-Louis Tremblay, le dossier condense des jours de reportages sur place qui montrent pourquoi le Kosovo, vingt ans après la guerre, est une désillusion pour les Albanais, pourquoi, aujourd’hui, les Serbes y vivent en danger. Et comment Solidarité Kosovo continue malgré les sanctions et les menaces à leur venir en aide. Des citoyens, des religieux, des élus témoignent et disent leurs attentes.
Solidarité Kosovo vous encourage à vous procurer un exemplaire de ce numéro inédit du FIGARO MAGAZINE en vente dès aujourd’hui chez votre buraliste.
Interview d’Arnaud Gouillon, président de Solidarité Kosovo, au Figaro Magazine
14 juin 2019
Arnaud Gouillon, président-fondateur de l’association humanitaire Solidarité Kosovo, qui vient en aide aux Serbes des enclaves, est interdit de séjour depuis septembre 2018. C’est donc au poste-frontière de Jarinje, côté serbe, que nous avons rencontré la bête noire des autorités kosovares.
Propos recueillis par Jean-Louis Tremblais
Racontez-nous les origines et les circonstances de votre interdiction de séjour…
Solidarité Kosovo a été créée il y a quinze ans, suite aux pogroms anti-serbes de 2004. Depuis, je me rends régulièrement dans les enclaves serbes du Kosovo afin de coordonner notre action humanitaire auprès des populations chrétiennes qui y survivent tant bien que mal. Sans ennui notable, si ce ne sont les tracasseries administratives que vous pouvez imaginer. Tout a fonctionné ainsi jusqu’au 10 septembre 2018. Ce jour-là, je devais inaugurer une ferme financée par notre association à Novo Brdo. J’y étais attendu par les bénévoles et toute la presse réunie. Mais rien ne s’est passé comme prévu : au poste-frontière de Merdare, j’ai été arrêté (échappant de peu aux menottes !) par les douaniers kosovars qui m’ont menacé de prison. Tandis que mon véhicule était intégralement désossé, j’ai subi un interrogatoire ubuesque mené par deux agents des services de renseignement venus spécialement de Pristina. L’opération a duré plusieurs heures, au terme desquelles les deux fonctionnaires m’ont remis une interdiction d’entrée et de séjour au Kosovo. Ce document ne mentionne ni raison ni motif puisque je n’ai commis aucun délit. Il n’est même pas daté…
C’est donc une mesure arbitraire.
Quelle est sa véritable signification ?
Cela relève de l’intimidation. Un avertissement, un coup de semonce. Je vis en Serbie où le ministre de l’Intérieur m’a fait l’honneur de m’octroyer la nationalité serbe au mérite et Solidarité Kosovo (la seule ONG étrangère œuvrant dans les enclaves chrétiennes) agace Pristina. Pourquoi me viser personnellement ? D’abord, parce que notre travail est efficace, médiatisé et que je fais tout pour sensibiliser l’opinion publique sur la situation humanitaire au Kosovo. La preuve : suite à mes déboires, nos 12 000 donateurs réguliers ont immédiatement réagi en intensifiant leurs efforts. Ensuite, parce que le lancement et le suivi des opérations humanitaires (réfection d’écoles, acheminement de matériel médical, colis de Noël pour les enfants, etc.) nécessite ma présence sur place. Heureusement, nous travaillons avec l’Eglise orthodoxe, dont le rayonnement et l’organisation nous permettent de poursuivre les chantiers en cours. J’espère que ma situation va se débloquer mais c’est un imbroglio juridique : l’interdiction de séjour étant sans fondement, mon avocat ne peut même pas contre-attaquer au tribunal. Cela ne m’empêchera pas de continuer car les Serbes du Kosovo ont besoin de soutien. Leur esprit de résistance est intact : suivons leur exemple !