Des milliers de Serbes ont fui les exactions des Albanais radicaux lors de la guerre de 1999 et ensuite durant les pogroms de 2004. Ils ont été contraints d’abandonner, souvent dans la précipitation, leurs villages, leurs maisons, leurs églises, leurs cimetières. En se réfugiant en Serbie centrale pour sauver leurs familles, les chrétiens ont dû laisser leurs ancêtres derrière eux. Un déchirement supplémentaire pour eux qui avaient déjà tout perdu.
Les Serbes dont la tombe des parents et des proches se trouve au Kosovo s’y rendent sous escorte militaire lors des fêtes religieuses commémoratives, comme celle du « samedi des défunts », «Zadušnice», qui a lieu en février.
Le retour au Kosovo s’organise. Il est aussi expéditif que brutal. Les réfugiés serbes s’entassent dans des bus qui au petit matin pénètrent au Kosovo. À leur entrée, ils sont attendus par les soldats de la MINUK (Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo) qui les encerclent avec leurs véhicules.
Une demie-heure pour se recueillir
Le voyage prend des allures de convoi exceptionnel qui circule de cimetière en cimetière pour permettre aux chrétiens de se recueillir sur la tombe de leurs défunts et d’honorer leur mémoire en ce jour qui leur est dédié. Les haltes se déroulent sous tension. À leur descente du bus, les Serbes se font rappeler les consignes par un soldat : « Vous avez une demie-heure ». Une demie-heure pour se recueillir. Une demie-heure pour « retrouver » l’être aimé, lui parler, se relier à son cœur et à ses souvenirs. Une demie-heure pour combler le vide d’une année d’attente. Mais la réalité est dure : le trajet est long et le risque d’agression réel. La demie-heure est inflexible.
Les profanations dans les cimetières chrétiens sont monnaie courante au Kosovo
Il faut souligner une chose très triste : l’état des cimetières est misérable. Ce n’est pas seulement dû au fait qu’ils ne sont pas entretenus. Ces endroits sont tous saccagés, les pierres tombales cassées, parfois les caveaux sont déterrés… Les radicaux ensevelissent les tombes sous des troncs de bois et de la végétation fauchée aux alentours pour nuire à cette coutume. D’une année à l’autre, certains cimetières sont rasés et les Serbes chassés l’apprennent en revenant lors de ce « pèlerinage ».
Solidarité Kosovo vous invite à lire un extrait du témoignage bouleversant de Vesna qui a été publié dans la presse écrite serbe. Nous avons pensé que vous y serez aussi sensibles que nous l’avons été. Vesna se fait la voix de ses compatriotes exilés comme elle.
« A deux rangs de moi, je vois mon amie Vera. Elle a les larmes aux yeux, elle a vu à travers la vitre du bus les personnes qui vivent désormais dans sa maison d’enfance. Son voisin de siège a lui reconnu sa maison, enfin ce qu’il en reste, elle a été incendiée.
Nous arrivons au cimetière où repose mon père. Nous descendons du bus. Les températures négatives nous réservent un accueil glacial. Dragan [frère de Vesna la narratrice] m’aide à nous frayer un chemin au travers de la végétation dense qui recouvre les tombes. C’est comme si nous nous étions égarés, tombés dans un tourbillon de ténèbres. Après de longues minutes de recherches, nous trouvons enfin la sépulture de notre père. À mains nues, nous retirons les buissons d’épines, les ronces et les orties. Nous pleurons parce que nous sommes ébranlés, perdus.
Je me dis que nous ne n’oublierons jamais le cimetière, notre chère terre du Kosovo-Métochie ni nos anciens levers de soleil ! »
La détresse de ces Serbes exilés est partagée par ceux qui sont restés. Qui voient leurs lieux de cultes être attaqués et les tombes de leurs ancêtres profanées.
C’est avant tout à ces chrétiens restés vivre au Kosovo que Solidarité Kosovo consacre ses actions. Tous nos projets tendent à aider les Serbes à pérenniser leurs vies sur place, à vivre dignement de leur travail et à élever leurs enfants dans des conditions sûres.
Photo prise par le Père Sava Janjic, archimandrite du monastère de Visoki Decani, dans l’enclave de Orahovac. Une vieille dame se recueille sur la sépulture de son proche dont la pierre tombale a été arrachée.
La commémoration des défunts
En Serbie, une série de quatre fêtes célèbre collectivement les morts tout au long de l’année, ce sont les «Zadušnice». En février a lieu l’une des plus suivies : «le samedi des défunts». Comme pour les rites de deuils, cette commémoration est l’occasion de faire des offrandes destinées à l’au-delà, et plus particulièrement aux ancêtres de sa lignée. Le pain de blé occupe une place centrale dans les offrandes. On y ajoute divers gâteaux et sucreries, du vin et des fleurs.