A moitié dissimulé derrière ses lunettes aux verres teintés, Zvonko Pavlicic a le regard mélancolique et le sourire timide. Il parle doucement, sans à-coups ni envolées, avec une patience infinie. Il soutient l’idée que l’acte artistique est par essence thérapeutique. Ses œuvres en sont la preuve même, l’expression d’une âme sensible, d’une destinée rude, mais pas vaincue. Solidarité Kosovo vous invite à découvrir le portrait de cet artiste serbe du Kosovo engagé au service de sa foi et de son patrimoine.
Les monastères une source d’inspiration qui irradie toute son œuvre
Déjà enfant, il aimait dessiner, Zvonko, un cahier à la main assis sur les bancs de Pec. C’est dans cette ville située à l’ouest du Kosovo qu’il est né en 1960. Son lieu de prédilection pour noircir son calepin, le Patriarcat de Pec, siège historique de l’Église orthodoxe serbe c’est-à-dire l’équivalent du Vatican. Il se souvient des jours passés, de l’aube au coucher du soleil, à contempler et à tenter de reproduire la beauté de ce monastère, classé au patrimoine mondial en péril de l’UNESCO.
Diplômé de l’École des arts appliqués, il quitte sa ville bien-aimée pour poursuivre de brillantes études d’archéologie et d’histoire de l’art à la Faculté de Philosophie de Skopje en Macédoine. Il revient au Kosovo pour boucler avec succès ses études supérieures de peinture à l’Académie des Arts de Pristina. Avec son parcours universitaire sans faute et son talent singulier, il intègre rapidement les cercles artistiques et intellectuels de la ville qui le propulsent sur le devant de la scène. Le petit Zvonko de Pec devient un artiste peintre bardé de prix et auréolé d’une reconnaissance nationale.
Un patrimoine chrétien sans défense
L’année 1998 signe le tournant de sa vie. Le Kosovo bat les tambours de la guerre et plonge dans les ténèbres. Zvonko trouve refuge comme des milliers d’autres serbes à Kosovka Mitrovica dans le nord du Kosovo où il devient maitre de conférences en histoire de l’art. Six ans plus tard, l’horreur est à son paroxysme. Il assiste impuissant, tout comme la communauté internationale vraisemblablement résignée, à la destruction par des musulmans radicaux en deux jours de trente-quatre églises et des monastères du Kosovo lors des pogroms anti-serbes. Immédiatement, le souvenir du Patriarcat de Pec en proie aux flammes vingt-trois ans plus tôt refait surface. La plaie s’ouvre à nouveau. Il est meurtrit au plus profond de son être. Cette hystérie anti-chrétienne ravage ses souvenirs d’enfance et son inépuisable source d’inspiration.
Un nouveau souffle art-christique
Traumatisé par les exactions de la guerre, il recourt à son art pour témoigner de la vulnérabilité du sacré au Kosovo. En esthétisant ces événements tragiques, il dit vouloir rendre compte et prévenir.
Ses toiles représentent l’agonie du patrimoine chrétien serbe au Kosovo, mêlant à son cri de douleur un indéfectible appel à la paix.
Dans un langage complexe de couleurs et de formes, Zvonko arrive à concilier la fixité silencieuse d’un tableau et les tourments d’une église attaquée, son fracas, ses convulsions, son glissement dans l’espace.
En 2009, il présente pour la première fois ces peintures à Raška à l’occasion d’une exposition qu’il baptiste « Tourbillons ». Son succès est retentissant. Il est très vite invité partout en Serbie pour faire découvrir sa collection. Ses déplacements prennent une allure de tournée artistique tant l’engouement du public est fort. Ses toiles ont ainsi été présentées à Kosovska Mitrovica, Vrnjačka Banja, Loznica, Kraljevo, Zaječar, Negotin, Ćuprija, Paraćin, Despotovac, Jagodina, Kruševac, Aleksandrovac, Niš, Aleksinac, Leskovac, Prokuplje,… Puis l’intérêt pour sa collection finit par dépasser les frontières serbes et il collabore à plus de quatre cents expositions à l’étranger.
Il semble aujourd’hui impossible de parler de Pavlicic sans évoquer la tragédie du Kosovo. L’artiste est devenu intimement lié à son engagement qui est loin d’avoir perdu de son actualité. Pour Zvonko Pavlicic, l’épée de Damoclès est toujours présente car le danger qui plane sur le patrimoine chrétien du Kosovo a pris une nouvelle dimension.
L’expropriation, la nouvelle menace qui pèse sur le patrimoine chrétien
Dans un récent entretien pour le magazine serbe « Basta Balkana », Zvonko Pavlicic confiait son inquiétude. « Le patrimoine serbe du Kosovo-Métochie est une source inspiration inépuisable. Depuis trente ans, il est danger. Lors des bombardements de l’OTAN en 1999 et des pogroms en mars 2004, le patrimoine religieux a été profané, souillé et détruit. Aujourd’hui les autorités albanaises de Pristina tentent de s’approprier le contrôle des monastères, églises et sanctuaires serbes au Kosovo-Métochie à travers des campagnes mensongères. Comment, ceux qui ont détruit – démoli et profané peuvent même penser à prendre le patrimoine monumental serbe sous leur gestion ! Ils s’efforcent constamment de s’approprier l’héritage culturel et religieux des Serbes du Kosovo-Métochie, mais j’espère que la communauté internationale ne considère pas cette aspiration comme justifiée, c’est-à-dire qu’elle comprend tous les arguments de notre public professionnel national qui lutte pour la vérité historique, ainsi que la préservation des monuments serbes. »
Rappelons que depuis 2015, les autorités albanaises n’ont de cesse de multiplier les campagnes d’influence pour faire main basse sur le patrimoine du Kosovo, y compris celui à caractère religieux. Première tentative en la matière, la candidature à l’adhésion à l’UNESCO qui s’est finalement soldée par un échec. par Mais Pristina en ce sens ne se décourage pas et se dit confiante quant à l’avenir des nouvelles tractations qu’elle a engagé dans ce sens.
L’actualité semble donner raison à Zvonko Pavlicic et le conforte dans un nouveau rôle de lanceur d’alerte. L’histoire et le rempart artistique qu’il a passionnément érigé au moyen de ses tableaux suffiront-ils à empêcher que le patrimoine chrétien du Kosovo ne termine entre les mains de ses profanateurs ? Espérons ne voir apparaitre aucune ombre au tableau.